samedi 1 juin 2013

Napalm Death : experts en solution auditive


Voici un groupe qui a créé un genre, avec les 28 titres de son premier album : le « grindcore », ou la manière de tronçonner, hacher menu, pulvériser, le son, les accords, la voix et le rythme. De l'émincé auditif radical. Chaque être humain devrait s'en écouter quelques micro-chapitres, en se levant le matin, de façon à savoir pourquoi il va se battre dans la journée. Cette cure n'est pas complexe à mettre en œuvre : les morceaux de Napalm Death, à leurs débuts, durent en général une trentaine de secondes. De l'acupuncture pour trompe d'Eustache. Voir l'album « Scum » ou les Peel Sessions pour ceci.

 
L'évolution en la matière passe par le perfectionnement du son : par là, il faut comprendre que les albums de Napalm Death bénéficient désormais d'une production plus métal que punk : mais les musiciens ne tombent pas pour autant dans une facilité qui dessert souvent les produits du genre. Les successions de riffs s'agencent, ne se répètent pas toujours, évitent les alternances classiques couplet-refrain-couplet, s'autorisent des digressions, veulent l'intelligence, plutôt que la radicalité vaine.

Les textes sont ciselés : très rarement y apparaissent les « four letter words » par lesquels le rock scandalise le réactionnaire(1). Napalm Death essaye de trouver les mégatonnes langagières dans les recoins de l'idiome. Un exemple d'une de leurs dernières interventions aurales : "...procrastination on the empty vessel / Toil to the bone so the machines roll on / Is this vague assumption / That a call to a halt will signal our untimely end ? / To labor so rigidly / All the safe havens of natural beauty (…)"(2). Ne nous sommes plus sur le bateau ivre de Rimbaud, mais dans les tourments de la réalité d'une société folle à lier. Nous sommes attachés à cette dernière, nous somme une pièce jointe ; faisant partie de ; concourant à.
 
Le maxi 6 titres Mentally Murdered (sorti en 1989 sur Earache Records) est assez remarquable, quoique clairement métal, lorgnant vers le Death !(3) 

Napalm Death y comprend encore trois membres quasi-historiques : Bill Steer à la guitare (parti dans Carcass) ; Lee Dorrian à la suffocation laryngale (parti fonder Cathedral) ; Mick Harris à la batterie (un des fondateurs de Napalm Death, qui créa Scorn -ambient glauque, et entre autres, participa à certains albums du saxophoniste d'avant-garde John Zorn – à ce sujet on peut penser à Painkiller) et Shane Embury, basse (toujours dans la formation actuelle).

Je vous rassure, les six morceaux de Mentally Murdered dépassent les trente secondes et sont envoyés avec maestria et sont techniquement sans faille. On peut légitimement être heureux que Napalm Death ait aussi su dépasser ce stade, pour actuellement nous proposer de nouveaux défis, de nouvelles rages, comme sur Utilitarian (2012), leur dernier opus à ce jour !

Et, si je peux me permettre un conseil, Mentally Murdered se doit d’être écouté en vinyl : CD ou autres formats numériques sont nettement moins « chauds » et tournent au grésillement mixé dans les médiums...

1- Si l'on excepte bien sûr leur reprise de « Nazi punks fuck off ! » des Dead Kennedys.

2- Paroles extraite de « Procrastination on the empty vessel », album « Time waits for no slave », 2009. Décernerons-nous un label éducatif à Napalm Death ? Le problème, mis en évidence par le sociologue F. Dubet ( in « les lycéens » Seuil, 1991 ) est que la culture « de l'extérieur de l'école », dès qu'elle est admise à l'intérieur du système éducatif, ne passionnera certainement pas ceux qui y transitent !

3- Sur le dos de la pochette, ils sont deux à arborer le T-shirt de Morbid Angel, une manière de référence, une manière de révérence...

Sources : Dictionnaire du rock (SLD M. Assayas) / Vu le groupe en live ! / Et leurs albums moult fois écoutés ! 


Rise above - Morceau 1 de la face A du maxi 12"

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