lundi 1 avril 2013

The Minutemen – Double Nickels on the Dime (deux pièces de cinq sur le zinc)



Trois potes de San Pedro (Cal. ; U.S.A.) : D. Boon (guitare, chant), Mike Watt (basse, chant), George Hurley (batterie). D'abord le nom. The Minutemen : se voulant fidèles au groupe anglais Wire(1), ils composaient, lors de leurs débuts, des chansons dépassant rarement la minute.

Mais cette référence au punk arty des britanniques n'était pas leur seul bagage. Alors que beaucoup des groupes de Los Angeles et Hollywood apprenaient sur le tas leurs accords définitifs, destinés à river son clou au vieux monde, les trois Minutemen, savaient jouer, et colportaient aussi de bien belles références au passé (que les jeunes punks pouvaient qualifier de dinosauresques, à savoir : Creedence Clearwater Revival, Fleetwood Mac, Blue Oyster Cult, entre autres).

Cependant, au contact de Black Flag, les excités novateurs, rebelles et infréquentables de L.A., ils comprennent vite que les années 70 sont terminées, et qu'il est temps de passer à autre chose. Ayant saisi l'idiome punk au vol, ils conçoivent leur musique non comme une une redite, mais plutôt comme une potion rock éclectique, à base de rythmique efficace et mercenaire, et de guitare incisive, hachant ses accords funk/punk, doublés de soli, sur lesquels on ne crache plus.

Se rajoutent à la texture sonore des paroles faisant preuve d'une conscience socio-politique qui dépasse les problèmes de la pré-adolescence, souvent chantés par D. Boon, en un mélange de rage et de vulnérabilité. On obtient ainsi une antithèse de la musique punk, que les Minutemen joueront pour les punks ! L'osmose se fait chez SST, le label de Black Flag. Les Minutemen y publieront pas moins de 4 albums, et 7 EP, sans compter les participations de rigueur à diverses compilations et une collaboration avec Black Flag (Minuteflag (2) ).
Double Nickels on the Dime : le double album où le talent des Minutemen est exposé, détaillé, gravé, en 45 chansons et autres coquecigrues, demeure une œuvre majeure des années 80. On peut y puiser, en fonction de l'humeur du moment, ce que l'on souhaite comme animation musicale pour ses neurones : l'absurdité journalière, la pesanteur sociale, l'humour, l'introspection, l'Histoire des États-Unis, la protestation libertaire... D'ailleurs, c'est cette dernière qui retint mon attention, il y a bien longtemps désormais, quand D. Boon, le chanteur/guitariste déclamait sur la chanson « Shit from an old Notebook » : «Let the products sell themselves, fuck advertising and commercial psychology (…) ».

Ironie de l'histoire : D. Boon a perdu la vie le 24 décembre 1985, dans un accident de voiture, alors que le titre du double album faisait référence à une vitesse limite sur autoroute... (3) Autre ironie, mais ça arrive dans le monde du rock : le titre « Corona » servira de thème à la série de télé-réalité américaine « Jackass », un genre de production à mille lieues de l'éthique des Minutemen, on s'en doute !
 
1 – Wire, qui dans son premier album « Pink Flag », avait aligné 21 morceaux, dont le remarquable « Field Day for the Sundays » que je me rappelle avoir chronométré à 27 secondes ! L'influence de Wire vaut pour les morceaux courts. Après, pour le côté funk nerveux et transistorisé, doublé de paroles ancrées dans le réel, on peut penser à des groupes tels que : Pop Group, Gang of Four, Scritti Politti et autres fleurons de la New Wave anglaise.

2 – Il avait été décidé que ce E.P. sortirai lorsqu'au moins l'un des deux groupes se serait dissous. Étrange, non ?

3 – Ce n'était pas lui qui conduisait... Les circonstances de l'accident n'avaient rien à voir avec la vitesse. Sa disparition signera aussi la désagrégation du label SST, concrétisée par le départ des Hüsker Dü vers une major du disque et la dissolution de Black Flag. Les Minutemen seraient certainement devenus importants dans le paysage musical, sans les limiter au punk-hardcore d'ailleurs. Le bassiste Mike Watt poursuit depuis une trajectoire en solo, ou en association avec d'autres musiciens. Il est resté cohérent avec l'esprit des Minutemen et perpétue le souvenir de son ami D. Boon.

Sources : American hardcore, a tribal history – S. Blush (Feral House 2001) ; la page Wikipedia (en anglais) sur les Minutemen (correctement sourcée) ; Dictionnaire du rock - Sous la direction de M. Assayas (R. Laffont – 2000)

 Vous n'y échapperez pas ! Voici Corona, le titre le plus
connu des Minutemen, à leur corps défendant en quelque
sorte : mais cette vidéo permet de voir la dextérité de D. Boon
à la guitare, la cohérence de la rythmique de Mike Watt et
George Hurley. Un vrai moment d'émotion : ils étaient grands et
pourtant simples ! Il n'est pas trop tard pour les apprécier !

 Et puis "The glory of man" archétype du punk-funk
et archétypal du groupe : dansez, maintenant !

R.I.P.  D. Boon