mercredi 5 décembre 2012

Rudimentary H. P(eni) Lovecraft

En 1987 sort un album du groupe anglais Rudimentary Peni, sobrement intitulé « Cacophony ». Ce disque est extraordinaire. Il fait la jonction entre la thérapie psychiatrique, l'Atelier de Création Radiophonique de France Culture, et l'écrivain américain légèrement barré, H. P. Lovecraft.

Rudimentary Peni est connu plutôt pour ses courtes et incisives chansons punk, dotées de riffs imparables, associées à une rythmique basse/batterie métronomique assez enlevée. Il est vrai que cet album comporte quelques titres de ce genre, mais ce n'est pas là l'important. Au lieu d'une redite, on se trouve ici en présence d'un album concept, tournant autour de l'esprit et des écrits de H. P. Lovecraft, dont l'évocation et les citations tournent rapidement à la folie furieuse, l'angoisse irrationnelle, la crise délirante.

Pour commencer, il est impossible de qualifier une seule des chansons de Cacophony de... normale. Ça commence bizarrement, ça ne se se termine pas à proprement parler, et la majorité des textes n'est pas chantée !

Ils sont ainsi déclamés, au moyen de voix variant du murmure au hurlement, de l'aigü au grave, en passant par l'idiome rocailleux et roulant les « r » du gardien du pont, dans le « Sacré Graal » des Monty Python !

Affirmer qu'il y a trente titres sur cet album n'est pas suffisant pour le décrire, aussi vous conseillé-je de l'écouter. Il faut l'entendre pour le croire : quand un morceau démarre, puis s'interrompt au bout de cinquante secondes, surgissent des enregistrement de voix contrefaites, forcées, délirantes, au débit rapide, ou asthmatique, montées en parallèle sur la bande magnétique (d'où la référence que je fais à France Culture et ses ACR). Du coup, quand arrivent quelques solides accords punk-rock on serait prêt à pousser un soupir de soulagement, puisqu'enfin survient quelque musique à laquelle se raccrocher !

Ces juxtapositions de mots, citations, suites de noms propres lovecraftiens, logorrhées tourbillonnantes et autres ambiances étranges, font également appel aux mannes d'Edgar Allan Poe, et de Tod Browning... Du beau linge, Madame... Mais pour le repassage, on dira que c'est de l'art brut.

Cacophony est une œuvre que je mets aux côtés de celles d'Antonin Artaud : le disque aurait pu s'intituler « Pour en finir avec toute velléité de classement quelconque dans une petite case pratique qui permet au cerveau de s'endormir sans se poser trop de questions ». Grâce en soit rendue aux protagonistes de Rudimentary Peni : Nick Blinko (voix, guitare, dessins, textes), John Greville (batterie) et Grant Brand (basse).





La bande-son : un couplet sur H. P. Lovecraft...



T.R. (written in Dunwich or was it in Arkham ?)

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