mardi 31 janvier 2012

Nous sommes revenus pour ne plus vous quitter (a collection of previously unreleased recordings performed by the Velvet Underground)



Pas évident de parler d'un groupe mondialement célèbre -le Velvet Underground- qui plus est, lié à Andy Warhol, à ses débuts. Un groupe dont on a tellement parlé ! Nous allons tenter. Il est vrai que les personnalités à l’œuvre n'arrangent pas les choses.

D'une part, il s'agit de ménager l'un (Lou Reed) pour ne pas négliger l'autre (John Cale), de considérer son approche de la guitare (« Si Dieu revient demain et qu'il me demande « Veux-tu être président ? » je réponds « Non. » « Veux-tu être politicien ? » « Non. » Veux-tu être avocat ? » « Non. » « Que veux-tu être ? » « Je veux être guitariste rythmique. ») comme un minimalisme intentionnel, et de voir que John Cale affirme une présence moins pop, avec des notes de violon alto qui durent et grincent, une basse à l'affût, une empreinte certainement plus îlienne, due à ses origines britanniques, et à sa connaissance de la musique contemporaine, alors que Lou Reed sera plus urbain, new-yorkais dans sa poésie en cul-de-sac. Mais d'autre part n'oublions pas, à la batterie, Moe Tucker, efficace derrière les fûts, quasi unique présence féminine dans un groupe de rock des années soixante et Sterling Morrison, guitare plus que rythmique, dans l'ombre de Reed et Cale. Cet alliage de quatre personnalités assez différentes et cultivées va se révéler très novateur.


Pour ce qui nous concerne, en 1984, un disque du Velvet Underground sort, avec des chansons enregistrées en 1968 et 1969, et qui s'étaient égarées, oubliées dans un tiroir de la maison de disque. On note la présence de John Cale sur deux titres seulement (il était sur un siège éjectable à l'époque). Il est remplacé par Douglas Yule pour les autres morceaux. Personne, à l'époque, n'avait voulu sortir un quatrième album du Velvet Underground, compte-tenu du résultat des ventes des précédents disques ! Tout ceci est évident à la lecture de Up-Tight de Victor Bockris et Gerard Malanga.


Car jamais un groupe n'aura eu autant d'influence et vendu aussi peu de son vivant : son mélange de Rock'n'roll et de mélodies gracieusement perverses, saupoudrées de bruits et cordes atonales, va s'infiltrer dans la culture rock, quarante ans durant, et cela continue, bien sûr. Le Velvet a inventé le principe du groupe maudit, dont tout le monde peut se réclamer... après ! Nous parions que cela n'existait pas... avant !


En effet, le rock, après l 'effervescence des années cinquante, avait très rapidement sombré dans la bluette, et l'énergie dégagée par ce style de musique ne cachait pas l'extrême minceur des paroles réduites à des gimmicks formatés pour le marché des ados. Le Velvet, ce sont des thèmes nettement plus adultes, ambivalents, malsains, complexes et risqués... Solitude urbaine, drogues et couloirs sans fin... On est loin également du psychédélisme béat, avec flower power et tout le marketing à l'avenant. Pas vendable à l'époque, ce Velvet ! Enfin, surtout pour les maisons de disques ! Andy Warhol ici joua le rôle de précurseur et considéra la musique du VU comme de l'art.


Trouve-t-on dans cet album « remixé pour correspondre aux standards actuels » un lien avec les premières années, à savoir, Warhol, la Factory, Nico... ? Ou bien des cauchemars induits par des substances illicites et l’univers de la nuit ? Une trace (la chanson « Andy's chest » en référence à Warhol), pour le reste, on oscille entre rock enlevé (I can't stand it, Foggy notion), pop « beatlesienne » (She's my best friend), ballades et simplicité. C'est tentant : vous avez envie de descendre dans votre cave, de prendre votre imitation de Fender ou Gibson, et de jouer ce que vous venez d'entendre, car ça paraît à portée, et il y a un résultat à la clé... Mais ce sont des chansons avec faille incluse, malaise au détour des mots : oubliez la pop et l'eau de rose, choisissez une lotion contre les démangeaisons !


Derrière le rite se cache la magie, fût-elle noire, et malgré les dénégations ultérieures des officiants. Lou Reed, grand communiquant, manipulateur et parano a tenté souvent de réduire le mythe à la portion congrue. Pour ne pas perdre le contrôle des événements, pour rester devant... Pour nier l’œuvre collective qu'est le Velvet.

Une fois bien écouté VU, l'empreinte est faite, définitive. VU s'insinue dans vos veines. En digne héritier des trois premiers opus, cet album est revenu du classement vertical, pour ne plus nous quitter...



Sources : Supertars : Guide maniaque du Velvet Underground et de la Factory d'Andy Warhol (Les Inrockuptibles 1990) – Dictionnaire du Rock (sous la direction de M. Assayas-coll. Bouquins-Robert Laffont 2000) – liner notes de l'album VU (K. Loder 1984) – The Velvet Underground Up-Tight / Victor Bockris & Gerard Malanga / Ed. du Camion Blanc 2004.

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