lundi 19 décembre 2011

The Mekons : punk de campagne






Observons la pochette intérieure du premier album de Gang of Four. On y trouve écrit, en cherchant bien : « Hello to Mekons ». Voici pourquoi.

Acte premier : un groupe de joyeux drilles envahit le local de répétition des Gang of Four, prennent leurs instruments et jouent ce qui leur passe par la tête.

Acte second : cette improvisation collective est l'évènement fondateur des Mekons.

Il y a bien un troisième acte : après deux 45t remarqués, ils sortent cet album "The quality of mercy is strnen". Et bien que se revendiquant totalement du mouvement punk (on ne sait pas jouer ; ce qu'on fait, tout le monde peut le faire ; non aux égos boursouflés, nous sommes un collectif...) leur album arrive trop tard. Deux ans se sont écoulés. Nous sommes en 1979.

L'heure est au foisonnement musical et plus personne ne veut se définir frontalement (comme punk ou quoi que ce soit) : expérimentation électronique, maîtrise du son, frénésie de l'apparence, "néo-romantisme", new wave, impriment leurs petites marques dans nos galaxies auriculaires... Beaucoup de groupes ont déjà signé chez les Majors du disque et leurs origines bruyantes et colériques sont renvoyées à la jeunesse qui passe... Les Mekons signeront chez Virgin pour cet album "The quality of mercy is strnen", sans renier leur côté libertaire.

Mais la musique, décalée pour les standards de l'époque, ne retiendra que l'attention des fans. Pouce en l'air pour la pochette de l'album, qui est une magnifique mise en scène du paradoxe du singe savant1. Un singe touchant presque au but, d’ailleurs...

Une musique assez brute, sans production écrasante, mais dans laquelle on remarque de légères parentés avec leurs complices de Gang of Four (les choeurs dans Like Spoons No More), des liens avec le post-punk de Scritti Politti (dans le titre Rosanne par exemple, où la guitare nous fait des petites notes très post-punk si l'on peut dire), et aussi de la vraie sensibilité (Why doesn't it rain when I'm sad...dans Lonely and Sad -tout un programme !), enfin, autant de petits portraits d'un punk de campagne, la croûte du dessus craquante, la mie un peu bise, un goût inimitable.

L'oreille attentive pourra aussi déceler quelques notes erratiques de piano, du violon, une ligne synthé, des petites choses à la Raincoats, quoi, prouvant une aspiration à l'ouverture, et donnant relief et étrangeté à la démarche. Enfin, il est aisé de voir en ce groupe une des influences du Wedding Present (avec Gang of Four également) des débuts, qui lui sera très frénétique dans le genre !

Par la suite, les Mekons se lanceront vraiment dans le country/folk, à leur manière, et le résultat, bien éloigné de « The quality... » leur vaudra plus de reconnaissance que leurs premiers opus, et notamment aux Etats-Unis, comme quoi...


Note 1- Paradoxe du singe savant : une infinité de singes tapant à la machine, dans un période de temps tendant vers l'infini, arrivera probablement à réécrire une pièce de Shakespeare (la phrase sonne très 20e siècle, à cause de la machine à écrire, bien sûr, mais on peut mettre cette proposition en formules de probabilités, et là, ça ne rigole pas!)


Sources : Dictionnaire du Rock -sous la direction de M. Assayas - coll. Bouquins-Robert Laffont 2000) /–/ Rip it up & start again (S. Reynolds) – trad. Ed. Allia 2007

Allez, suffisamment causé ! Y faut danser maintenant !
 
T.-R.

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