samedi 2 juillet 2011

Talking Heads : les aventuriers du centrisme-punk

Assurément, lorsque trois étudiants d'une école d'Arts (de Rhodes Island – Nouvelle Angleterre – E.- U.), plus un étudiant diplômé de Harvard (Cambridge – Massachussets - E.- U.) fondent un groupe de rock, on peut s'attendre à un premier opus sortant de l'ordinaire.
Plantons le décor : nous sommes en 1975, à New York et ses environs. Issus de la soupe primitive d'où émergera le courant artistique « punk », les Talking Heads se donnent une ligne de conduite « anti-showbiz, anti-arrogant, anti-glitter », caractérisée par leur apparence B.C.B.G.
En fait de Nouvelle Vague, on pourrait dire « surtout, pas de vagues » ! Ils créent une musique où les instrument habituels du rock'n'roll -guitare, basse, batterie- sont utilisés de façon formelle mais désuète, avec professionnalisme, à contretemps d'un rock révolté, qui, à l'époque, gronde et déborde de clubs tels que le CBGB.
Complètement décalés, ils vont faire leur chemin, se produisant dans les mêmes lieux que les Ramones, et au côté d'individualités remarquables comme Patti Smith, Tom Verlaine, Richard Hell. Tellement New Wave que les thuriféraires du punk prendront des distances avec eux. Décidément trop propres, trop « yuppies » pour représenter le même milieu urbain et noirâtre, saturé et déglingué, que les purs serviteurs du rock'n'roll en cuir !
Et leur album ? Il s'intitule « 77 », année punk de référence, et il ne l'est pas, évidemment. La voix haut perchée de David Byrne, le guitariste, qui écrit la plupart des chansons du groupe, va enchainer les 11 titres du LP, avec pour sujet de prédilection ses sensations, affects, bribes de réflexion, sentiments, questionnements personnels et déclarations d'intention. Inutile de préciser que cet univers auto-centré est à mille lieues de celui de la faune new-yorkaise se réclamant des Stooges et du Velvet Underground. Byrne invente ici une sorte de « centrisme-punk » qui fera peu à peu école.
L'album dispose d'un tube planétaire : « Psycho killer », matraqué par les radios à l'époque, et qui lançe réellement le groupe : du coup, les autres titres sombrent dans l'oubli, alors qu'ils caractérisent beaucoup mieux la démarche des Talking Heads, qui n'est pas celle de VRP œuvrant pour le bien-être individuel, mais suinte d'une ironie étonnante-détonante, vu le contexte Américain... « Uh Oh love comes to town », « New feeling », « No compassion », « Don't worry about the government » n'auront pas droit au repêchage. Du moins, pas tout de suite : 30 ans après, nombreux sont les groupes influencés par cette pop étrange et rythmée, rythmique funk sur guitares incisives, et décalage contrôlé.
Le deuxième album viendra vite, et sera dans la même veine que le premier : le tube en sera « Take me to the river », une reprise de Al Green. Mais le joyau sera le troisième album du groupe, « Fear of music », que l'on peut sans crainte emmener sur l'île déserte. On en reparlera.

Sources : Le Monde (1977-1978) chroniques de A. Wais - Newsweek, 09-4-78 : Article "Straight talk" de Tony Schwartz- Please kill me de Legs Mc Neil, Penguin Books 1996- NY Times book review, july 28, 1996 – Dictionnaire du Rock (sous la direction de M. Assayas) Editions Robert Laffont, 2000

T.-R.

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T.-R.  2013



Ce lien amène à la chanson "Don't worry about the government"
Une pépite à réhabiliter !




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