vendredi 27 avril 2012

Adolescence aseptisée : si je ne consomme pas, c'est la société de consommation qui me dévore...

Dans ma collection d'album, la faucheuse fait son œuvre. Poly Styrene, cela fait juste un an qu'elle a quitté ce monde, à l'âge non-canonique de 53 ans. Elle avait chanté dans un vrai groupe punk/pop, fondé après qu'elle ait vu un concert des Sex Pistols, en 1976 : X Ray Spex (le nom des lunettes à rayons X, qui permettaient paraît-il de voir à travers les vêtements).


Un 45 tour (Oh bondage, up yours ! B/W I am a cliche) va lancer le groupe en 1977. Poly est reconnaissable entre mille avec sa voix haut-perchée, qui annonce les titres de ses morceaux, avec énergie ! X Ray Spex oscille entre punk enlevé et bluettes emplies de justes considérations sur la vie moderne et ses tracas.

A la différence des autres punks, X Ray Spex déploie une fraicheur inégalée à l'époque, utilise un saxophone, pour ponctuer mélodiquement ses chansons, joue avec sentiments et humour citadin. Certes, la carrière du groupe ne franchira que l'étape d'un premier album, et s'arrêtera là. Comme beaucoup... Regrets.

Le LP Germfree Adolescents a cette étrange pochette où l'on voit chaque membre du groupe dans un tube à essai (à l’abri des bactéries ?). Une belle trouvaille : les pochettes de 33t ont d'ailleurs toujours constitué un terrain favorable pour les graphistes ingénieux et novateurs.

Les douze chansons de l'album sont en phase avec l'époque : société de consommation dont on voudrait se défaire, obsessions urbaines, rebelles de l'asphalte (Warrior in Woolworths), identité et génie génétique (Genetic Engineering, très prophétique), le titre éponyme de l'album, Germfree Adolescents, est une sorte de ballade électrique, comme un slow punk (repris par Neneh Cherry de nos jours).


Voilà. Comme toujours, dans la profusion des groupes, des albums, des chansons, il est intéressant, sinon indispensable, d'aller chercher les pépites, de se souvenir de qui a marqué une année : en l’occurrence un petit bout de femme, qui ne serait jamais montée sur scène sans l'effervescence punk (du moins pour hurler de cette façon !), et qui a écrit un paragraphe de l'histoire du rock.
R.I.P. Poly. 

 

Sources : Dictionnaire du rock (M. Assayas) ; chroniques d'A. Wais (Le Monde) ; album d'X Ray Spex – Germfree Adolescents (EMI – 1978)

jeudi 19 avril 2012

Métal Urbain – Tôle froissée pour les hommes morts... Mais dangereux !


J'aurai une certaine jouissance à expliquer le choc qu'a été Métal Urbain pour moi. Voilà de la musique et des paroles en prise avec l'actualité de 1976-1978, mais qui curieusement sont devenues intemporelles, fondatrices et définitives. Ce sont des textes qui sonnent juste, écrits en français, et qui ne s’apitoient sur rien, ni la situation d'artiste, ou de guitariste, ni sur un plan de carrière impossible, ni sur les élites, ni sur ceux qui suivent les modes ou les courants politiques. Il ne s'agit pas d'une bande-son pour une utopie joyeuse.

Métal Urbain ou la fusion improbable d'un anarchisme lettré et d'un nihilisme revendiqué (ou d'un situationnisme suintant si l'on veut), avec le rock punk, ce dernier passé dans les bobinages de synthés non-planants. Métal Urbain qui invente un courant en soi : le synthpunk ! Et ça dégomme sec dans tous les compartiments : les titres de cette compilation (Les Hommes Morts sont dangereux, regroupant les premiers 45t et beaucoup d'autres gemmes), n'épargnent personne, et sous forme de tracts définitifs, envoient des shrapnells d'un bout à l'autre des tranchées. Je précise : je parle du vinyl sorti en 1981.

La société française fin 70 subit une sérieuse préparation d'artillerie, avec des titres comme 50/50, Anarchie au Palace, Paris Maquis (ce dernier étant pour moi l'archétype du morceau à emporter sur l'île déserte), Pop Poubelle, E202, mais d'autres textes abordent des sujets politiques aux contours moins nets, ainsi Ghetto, pour le destin individuel tout tracé, Numéro Zéro pour une tentative de maîtrise du (même?) destin, Futurama, Hystérie Connective, pour une société en perte de contrôle, où le rire ne cache pas le désespoir, ni le millénarisme à deux balles (souvenez-vous de l'an 2000 !) le vide abyssal du futur, Panik, vrai cauchemar à la japonaise, où un Godzilla robotique sème la terreur dans la ville, pendant que l'individu s'abandonne à la propagande par le fait, Atlantis, constat de disparition de la démocratie, critique directe sur fond de nouvelle vague (subversion, submersion), haine de l'argent, haine du « vieux monde » avec ses « héritiers déplorables... Fauteurs de révolution ».

Côté culturel, on trouve le « warholien » Lady Coca-Cola, un Ultra Violence marqué par Orange Mécanique (le film mythique des déviants post-hippy/proto-punk des seventies), et côté « glauque », un super duo formé de Snuff Movie et Crève Salope (qui n'est pas une redite de Panik !), qui montre une certaine attirance vers la fange et l'extrême (Sade ou Georges Bataille, mais en plus brut, c'est le média rock qui veut ça, je pense !). Enfin, je ne peux cacher l'extase totale que constitue le morceau Clé de Contact : critique de la révolution / libération sexuelle, dans le contexte punk. Après ça, plus rien n'est pareil...

Et voilà : iconoclaste et radical, Métal Urbain va inspirer pas mal de gens, du côté de la boite à rythme, mais ça ne donnera pas le même résultat, ça sonnera toujours moins bien. Les textes, idem: il manquera aux suivants la culture des années 70, contre laquelle Métal Urbain se rebellait, ou posait ses constats cyniques, en juxtaposant phrases coupantes comme des rasoirs et imprécations venimeuses.

A l'heure des réseaux, tout le monde peut aller chercher les informations manquantes de cette notule : les labels, les dates, le personnel, tout en notant bien que le groupe s'est reformé et a sorti de nouvelles choses, mais l'actualité n'est pas mon propos ici.

Sources : je n'ai pas relu « Punkitudes » sorti en 1978 aux éditions Rock & Folk. Et de toute façon, j'ai découpé les pages relatives à Métal U. pour mieux les idolâtrer sur les murs de ma chambre. Je n'ai pas consulté le Dico du Rock. Je n'ai pas lu grand chose sur Internet non plus. Ce disque, et son 45t joint dans la pochette, parle pour lui-même. Écoutez-le et écrivez votre chronique.
 

lundi 2 avril 2012

Durruti


En 1996, les Éditions de l'Insomniaque ont eu l'excellente idée de publier, en compagnie de quatre autres éditeurs européens, ce livre consacré à une figure du mouvement anarchiste espagnol et de la guerre civile, Buenaventura Durruti.

Son texte est rédigé en cinq langues : espagnol, anglais, allemand, italien et français. Son iconographie comprend des clichés rares, tirés des archives de l'écrivain espagnol Abel Paz (Diego Camacho) et qui font vibrer l'esprit de l'époque.