jeudi 19 avril 2012

Métal Urbain – Tôle froissée pour les hommes morts... Mais dangereux !


J'aurai une certaine jouissance à expliquer le choc qu'a été Métal Urbain pour moi. Voilà de la musique et des paroles en prise avec l'actualité de 1976-1978, mais qui curieusement sont devenues intemporelles, fondatrices et définitives. Ce sont des textes qui sonnent juste, écrits en français, et qui ne s’apitoient sur rien, ni la situation d'artiste, ou de guitariste, ni sur un plan de carrière impossible, ni sur les élites, ni sur ceux qui suivent les modes ou les courants politiques. Il ne s'agit pas d'une bande-son pour une utopie joyeuse.

Métal Urbain ou la fusion improbable d'un anarchisme lettré et d'un nihilisme revendiqué (ou d'un situationnisme suintant si l'on veut), avec le rock punk, ce dernier passé dans les bobinages de synthés non-planants. Métal Urbain qui invente un courant en soi : le synthpunk ! Et ça dégomme sec dans tous les compartiments : les titres de cette compilation (Les Hommes Morts sont dangereux, regroupant les premiers 45t et beaucoup d'autres gemmes), n'épargnent personne, et sous forme de tracts définitifs, envoient des shrapnells d'un bout à l'autre des tranchées. Je précise : je parle du vinyl sorti en 1981.

La société française fin 70 subit une sérieuse préparation d'artillerie, avec des titres comme 50/50, Anarchie au Palace, Paris Maquis (ce dernier étant pour moi l'archétype du morceau à emporter sur l'île déserte), Pop Poubelle, E202, mais d'autres textes abordent des sujets politiques aux contours moins nets, ainsi Ghetto, pour le destin individuel tout tracé, Numéro Zéro pour une tentative de maîtrise du (même?) destin, Futurama, Hystérie Connective, pour une société en perte de contrôle, où le rire ne cache pas le désespoir, ni le millénarisme à deux balles (souvenez-vous de l'an 2000 !) le vide abyssal du futur, Panik, vrai cauchemar à la japonaise, où un Godzilla robotique sème la terreur dans la ville, pendant que l'individu s'abandonne à la propagande par le fait, Atlantis, constat de disparition de la démocratie, critique directe sur fond de nouvelle vague (subversion, submersion), haine de l'argent, haine du « vieux monde » avec ses « héritiers déplorables... Fauteurs de révolution ».

Côté culturel, on trouve le « warholien » Lady Coca-Cola, un Ultra Violence marqué par Orange Mécanique (le film mythique des déviants post-hippy/proto-punk des seventies), et côté « glauque », un super duo formé de Snuff Movie et Crève Salope (qui n'est pas une redite de Panik !), qui montre une certaine attirance vers la fange et l'extrême (Sade ou Georges Bataille, mais en plus brut, c'est le média rock qui veut ça, je pense !). Enfin, je ne peux cacher l'extase totale que constitue le morceau Clé de Contact : critique de la révolution / libération sexuelle, dans le contexte punk. Après ça, plus rien n'est pareil...

Et voilà : iconoclaste et radical, Métal Urbain va inspirer pas mal de gens, du côté de la boite à rythme, mais ça ne donnera pas le même résultat, ça sonnera toujours moins bien. Les textes, idem: il manquera aux suivants la culture des années 70, contre laquelle Métal Urbain se rebellait, ou posait ses constats cyniques, en juxtaposant phrases coupantes comme des rasoirs et imprécations venimeuses.

A l'heure des réseaux, tout le monde peut aller chercher les informations manquantes de cette notule : les labels, les dates, le personnel, tout en notant bien que le groupe s'est reformé et a sorti de nouvelles choses, mais l'actualité n'est pas mon propos ici.

Sources : je n'ai pas relu « Punkitudes » sorti en 1978 aux éditions Rock & Folk. Et de toute façon, j'ai découpé les pages relatives à Métal U. pour mieux les idolâtrer sur les murs de ma chambre. Je n'ai pas consulté le Dico du Rock. Je n'ai pas lu grand chose sur Internet non plus. Ce disque, et son 45t joint dans la pochette, parle pour lui-même. Écoutez-le et écrivez votre chronique.
 

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