Voici
un groupe qui a créé un genre, avec les 28 titres de son premier
album : le « grindcore », ou la manière de
tronçonner, hacher menu, pulvériser, le son, les accords, la voix
et le rythme. De l'émincé auditif radical. Chaque être humain
devrait s'en écouter quelques micro-chapitres, en se levant le
matin, de façon à savoir pourquoi il va se battre dans la journée.
Cette cure n'est pas complexe à mettre en œuvre : les morceaux
de Napalm Death, à leurs débuts, durent en général
une trentaine de secondes. De l'acupuncture pour trompe d'Eustache.
Voir l'album « Scum » ou les Peel Sessions
pour ceci.
L'évolution
en la matière passe par le perfectionnement du son : par là,
il faut comprendre que les albums de Napalm Death
bénéficient désormais d'une production plus métal que punk :
mais les musiciens ne tombent pas pour autant dans une facilité qui
dessert souvent les produits du genre. Les successions de riffs
s'agencent, ne se répètent pas toujours, évitent les alternances
classiques couplet-refrain-couplet, s'autorisent des digressions,
veulent l'intelligence, plutôt que la radicalité vaine.
Les
textes sont ciselés : très rarement y apparaissent les « four
letter words » par lesquels le rock scandalise le
réactionnaire(1). Napalm Death essaye de
trouver les mégatonnes langagières dans les recoins de l'idiome. Un
exemple d'une de leurs dernières interventions aurales : "...procrastination on the empty vessel / Toil to the bone so the
machines roll on / Is this vague assumption / That a call to a halt
will signal our untimely end ? / To labor so rigidly / All the safe
havens of natural beauty (…)"(2). Ne nous sommes plus
sur le bateau ivre de Rimbaud, mais dans les tourments de la réalité
d'une société folle à lier. Nous sommes attachés à cette
dernière, nous somme une pièce jointe ; faisant partie de ;
concourant à.
Le
maxi 6 titres Mentally Murdered (sorti
en 1989 sur Earache Records)
est assez remarquable, quoique clairement métal, lorgnant
vers le Death !(3)
Napalm Death y comprend encore trois membres
quasi-historiques : Bill Steer à la guitare (parti dans
Carcass) ; Lee Dorrian à la suffocation laryngale
(parti fonder Cathedral) ; Mick Harris à la
batterie (un des fondateurs de Napalm Death, qui créa
Scorn -ambient glauque, et entre autres, participa à certains
albums du saxophoniste d'avant-garde John Zorn
– à ce sujet on peut penser à Painkiller) et Shane
Embury, basse (toujours dans la formation actuelle).
Je
vous rassure, les six morceaux de Mentally Murdered dépassent
les trente secondes et sont envoyés avec maestria et sont
techniquement sans faille. On peut légitimement être heureux que
Napalm Death ait aussi
su dépasser ce stade, pour actuellement nous proposer de nouveaux
défis, de nouvelles rages, comme sur Utilitarian
(2012), leur dernier opus à ce jour !
Et,
si je peux me permettre un conseil, Mentally Murdered se
doit d’être écouté
en vinyl : CD ou autres formats numériques sont nettement moins
« chauds » et tournent au grésillement mixé dans les
médiums...
1-
Si l'on excepte bien sûr leur reprise de « Nazi punks fuck
off ! » des Dead Kennedys.
2-
Paroles extraite de
« Procrastination
on the empty vessel »,
album « Time waits
for no slave », 2009.
Décernerons-nous un label éducatif à Napalm Death ? Le
problème, mis en évidence par le sociologue F. Dubet ( in
« les lycéens » Seuil, 1991 )
est que la culture « de l'extérieur de l'école », dès
qu'elle est admise à l'intérieur du système éducatif, ne
passionnera certainement pas ceux qui y transitent !
3-
Sur le dos de la pochette, ils sont deux à arborer le T-shirt de
Morbid Angel, une manière de référence, une manière de
révérence...
Sources :
Dictionnaire du rock (SLD M. Assayas) / Vu le groupe en live ! /
Et leurs albums moult fois écoutés !
Rise above - Morceau 1 de la face A du maxi 12"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire