Trois potes de San Pedro (Cal. ; U.S.A.) :
D. Boon (guitare, chant), Mike Watt (basse, chant),
George Hurley (batterie). D'abord le nom. The
Minutemen : se voulant fidèles au groupe anglais
Wire(1), ils composaient, lors de
leurs débuts, des chansons dépassant rarement la minute.
Mais cette référence au punk
arty des britanniques n'était pas leur seul bagage. Alors que
beaucoup des groupes de Los Angeles et Hollywood apprenaient sur le
tas leurs accords définitifs, destinés à river son clou au vieux
monde, les trois Minutemen, savaient jouer, et
colportaient aussi de bien belles références au passé (que les
jeunes punks pouvaient qualifier de dinosauresques, à
savoir : Creedence Clearwater Revival, Fleetwood Mac, Blue
Oyster Cult, entre autres).
Cependant, au contact de Black
Flag, les excités novateurs, rebelles et infréquentables de
L.A., ils comprennent vite que les années 70 sont terminées, et
qu'il est temps de passer à autre chose. Ayant saisi l'idiome punk
au vol, ils conçoivent leur musique non comme une une redite, mais
plutôt comme une potion rock éclectique, à base de rythmique
efficace et mercenaire, et de guitare incisive, hachant ses accords
funk/punk, doublés de soli, sur lesquels on ne crache plus.
Se rajoutent à la texture
sonore des paroles faisant preuve d'une conscience socio-politique qui
dépasse les problèmes de la pré-adolescence, souvent chantés par
D. Boon, en un mélange de rage et de vulnérabilité. On
obtient ainsi une antithèse de la musique punk, que les Minutemen
joueront pour les punks ! L'osmose se fait chez SST, le label de
Black Flag. Les Minutemen y publieront pas moins
de 4 albums, et 7 EP, sans compter les participations de rigueur à
diverses compilations et une collaboration avec Black Flag
(Minuteflag (2) ).
Double Nickels on the
Dime : le double album où le talent des Minutemen
est exposé, détaillé, gravé, en 45 chansons et autres
coquecigrues, demeure une œuvre majeure des années 80. On peut y
puiser, en fonction de l'humeur du moment, ce que l'on souhaite comme
animation musicale pour ses neurones : l'absurdité journalière,
la pesanteur sociale, l'humour, l'introspection, l'Histoire des
États-Unis, la protestation libertaire... D'ailleurs, c'est cette
dernière qui retint mon attention, il y a bien longtemps désormais,
quand D. Boon, le chanteur/guitariste déclamait sur la
chanson « Shit from an old Notebook » : «Let the products sell
themselves, fuck advertising and commercial psychology (…) ».
Ironie de l'histoire : D.
Boon a perdu la vie le 24 décembre 1985, dans un accident de
voiture, alors que le titre du double album faisait référence à
une vitesse limite sur autoroute... (3) Autre ironie, mais
ça arrive dans le monde du rock : le titre « Corona »
servira de thème à la série de télé-réalité américaine
« Jackass », un genre de production à mille
lieues de l'éthique des Minutemen, on s'en doute !
1 –
Wire, qui
dans son premier album « Pink
Flag », avait
aligné 21 morceaux, dont le remarquable « Field
Day for the Sundays »
que je me rappelle avoir chronométré à 27 secondes ! L'influence
de Wire
vaut pour les morceaux courts. Après, pour le côté funk nerveux
et transistorisé, doublé de paroles ancrées dans le réel, on peut
penser à des groupes tels que : Pop
Group, Gang
of Four, Scritti Politti
et autres fleurons de la New Wave anglaise.
2 – Il
avait été décidé que ce E.P. sortirai lorsqu'au moins l'un des
deux groupes se serait dissous. Étrange, non ?
3 – Ce
n'était pas lui qui conduisait... Les circonstances de l'accident
n'avaient rien à voir avec la vitesse. Sa disparition signera aussi
la désagrégation du label SST, concrétisée par le départ des
Hüsker Dü
vers une major du disque et la dissolution de Black
Flag. Les Minutemen
seraient certainement devenus importants dans le paysage musical,
sans les limiter au punk-hardcore d'ailleurs. Le bassiste Mike
Watt poursuit depuis
une trajectoire en solo, ou en association avec d'autres musiciens.
Il est resté cohérent avec l'esprit des Minutemen
et perpétue le souvenir de son ami D.
Boon.
Sources :
American
hardcore, a tribal history
– S. Blush (Feral House 2001) ; la page Wikipedia
(en anglais) sur les Minutemen
(correctement sourcée) ; Dictionnaire
du rock - Sous
la direction de M.
Assayas
(R. Laffont – 2000)
Vous n'y échapperez pas ! Voici Corona, le titre le plus
connu des Minutemen, à leur corps défendant en quelque
sorte : mais cette vidéo permet de voir la dextérité de D. Boon
à la guitare, la cohérence de la rythmique de Mike Watt et
George Hurley. Un vrai moment d'émotion : ils étaient grands et
pourtant simples ! Il n'est pas trop tard pour les apprécier !
Et puis "The glory of man" archétype du punk-funk
et archétypal du groupe : dansez, maintenant !
R.I.P. D. Boon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire