En 1987 sort un album du groupe
anglais Rudimentary Peni, sobrement intitulé
« Cacophony ». Ce disque est
extraordinaire. Il fait la jonction entre la thérapie psychiatrique,
l'Atelier de Création Radiophonique de France Culture,
et l'écrivain américain légèrement barré, H. P. Lovecraft.
Rudimentary Peni
est connu plutôt pour ses courtes et incisives chansons punk, dotées
de riffs imparables, associées à une rythmique basse/batterie
métronomique assez enlevée. Il est vrai que cet album comporte
quelques titres de ce genre, mais ce n'est pas là l'important. Au
lieu d'une redite, on se trouve ici en présence d'un album concept,
tournant autour de l'esprit et des écrits de H. P. Lovecraft,
dont l'évocation et les citations tournent rapidement à la folie
furieuse, l'angoisse irrationnelle, la crise délirante.
Pour commencer, il est
impossible de qualifier une seule des chansons de Cacophony
de... normale. Ça commence bizarrement, ça ne se se termine pas à
proprement parler, et la majorité des textes n'est pas chantée !
Ils sont ainsi déclamés, au
moyen de voix variant du murmure au hurlement, de l'aigü au grave,
en passant par l'idiome rocailleux et roulant les « r »
du gardien du pont, dans le « Sacré Graal » des
Monty Python !
Affirmer qu'il y a trente titres
sur cet album n'est pas suffisant pour le décrire, aussi vous
conseillé-je de l'écouter. Il faut l'entendre pour le croire :
quand un morceau démarre, puis s'interrompt au bout de cinquante
secondes, surgissent des enregistrement de voix contrefaites,
forcées, délirantes, au débit rapide, ou asthmatique, montées en
parallèle sur la bande magnétique (d'où la référence que je fais
à France Culture et ses ACR). Du coup, quand arrivent
quelques solides accords punk-rock on serait prêt à pousser un
soupir de soulagement, puisqu'enfin survient quelque musique à
laquelle se raccrocher !
Ces juxtapositions de mots,
citations, suites de noms propres lovecraftiens, logorrhées
tourbillonnantes et autres ambiances étranges, font également appel
aux mannes d'Edgar Allan Poe, et de Tod Browning... Du
beau linge, Madame... Mais pour le repassage, on dira que c'est de
l'art brut.
Cacophony est une
œuvre que je mets aux côtés de celles d'Antonin Artaud :
le disque aurait pu s'intituler « Pour en finir avec toute
velléité de classement quelconque dans une petite case pratique qui
permet au cerveau de s'endormir sans se poser trop de questions ».
Grâce en soit rendue aux protagonistes de Rudimentary
Peni : Nick Blinko (voix, guitare,
dessins, textes), John Greville (batterie) et Grant
Brand (basse).
La bande-son : un couplet sur H. P. Lovecraft...
T.R. (written in Dunwich or was it in Arkham ?)
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