Etrange costume, couleur de lune. Il ne s'agit pas d'une citation de Charles Perrault. Ici, le « Tuxedo » pourrait nous faire penser au jazz, ballades et soirées surannées (Tuxedo junction – How high the moon – The moon was yellow...). Finalement, c'est une ruse, puisque l'écoute de Half-mute nous met face à un OVNI déroutant et captivant à la fois.
Pas de guitares saturées, mais boite à rythme, claviers, saxophone, violon, basse (plutôt mixée dans les médium) qui, entre les mains des musiciens, produisent une musique étrange, contemporaine, mais empruntant au classique, alliant dissonance et mélodies, collages sonores et voix très distanciée... Ah, la voix ! À la limite du cynisme (What use ?), de la fatigue (59 to 1), du constat désabusé (Loneliness, Seven years), du reportage (Seeding the clouds). Seul élément quelque peu humain du disque, avec le saxophone qui agite ses flopées de notes, nous éclaboussant de quelques dissonances au passage, et la bande-son de Seeding the clouds, laquelle fait ronronner des automobiles en fond, genre bruitage...
La pochette de l’album, avec ses références à l'abstraction (Malevitch, Kandinsky, mais aussi Klee...) est aussi la manière dont l'album se donne à voir. Textures, couleurs en dégradés, lignes formant des angles, géométrie non signifiante : carte géographique, d'un pays perceptible en creux, ou dessin d'architecte dont le projet n'arrive pas à émerger ? Ce n'est pas la première fois que peinture et musique coopèrent, s'influencent, définissent un style qui symbolise une époque, mais ici, tout ceci nous fait penser à l'Europe, ce qui est excellent pour un groupe de San Francisco.
S'il fallait un disque pour caractériser la fin des années soixante-dix et l'avènement d'années plus incertaines et risquées, ce pourrait être celui-là : il ne nous donne pas de réponses toutes faites, ne distille pas d'idéologie, nous laisse seul, à remâcher nos doutes et notre perplexité. Comme les signes de la plaine de Nazca, ces géoglyphes, dont on peine à trouver la signification...
Les années passant, Half-Mute s'apprécie d'autant plus qu'il demeure difficile à caractériser. L'emporterait-on sur l'île déserte ? Oui, parce qu'il propose toujours des trames et des paysages qui savent retenir l'attention. Parce que nous sommes loin des modes, du reconnaissable, et qu'il est plaisant, somme toute, d'être ailleurs de temps en temps...
Ah ben tiens ! Y a pas le dico du rock cette fois ?
T.-R.
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